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Septembre  2013 (© détail Peinture Valerie.D)
Jean-Pierre VERHEGGEN face à son propre imaginaire…

1)    « La Sigmundialisation vous guette qui en une nuit peut vous délocaliser »
(Sodome et Grammaire, Paris, Gallimard, NRF, 2008, p. 61.)

Oui, ce cher Sigmund déjà présent dans « Divan le Terrible » chez Bourgois collection TXT en 1978 sous-titré  « Les aventures de Freud Astaire » et qu'on retrouve ici et là jusqu'à aujourd'hui encore dans Un jour, je serai Prix Nobelge  (Gallimard 2013) en tant que responsable éditorial des mêmes éditions Freud Astaire (ça ne me lâche pas !) où il a lui-même publié, entre autres, à titre personnel une « Méthode d'apprentissage du rythme pulsionnel en moins de trente leçons sous le titre « Par divan, par derrière », une B.D. « Hystérix le Grivois », un recueil de poésie complète, « Mignonne, allons voir si ta névrose » ou encore, un traité de médecine pour tous « L'inconscient, l'autre dans le coma ».

2)   « Logiquement – je dis bien logiquement ! –
on devrait, en poésie, écrire une oreille
et au pluriel des oraux pour bien s’assurer
que nos paroles sont bien arrivées dans le bon tuyau ! »
(Sodome et Grammaire, Paris, Gallimard, NRF, 2008, p. 33.)

Est-ce qu’il y a une logique poétique ? Certainement pas au sens aristotélicien du terme (oh ! le gros mot !) par contre, il ya des rapprochements fortuits ou moins, des proximités étonnantes voire incongrues et des mariages de « réson » propres au possible de notre langue, quand bien intraduisibles dans d’autres où, va de soi, ils en existent aussi ! Cela dit, on peut les « inventer » ! Dans cette « Lettre à Rainer Maria Rocker » qui ouvre Entre Zut et Zen j’écris que « les mots n’attendent que ça : qu’on les accouple ! Qu’on les apparie. Qu’on les conduise sans cesse à la saillie. Qu’on présente à leur désir frénétique des voyelles béantes, des gentilés ouverts ou des occlusives largement échancrées ! […] Qu’ils puissent lutter et lutiner, cocher, s’attacher et se couvrir en toute impunité… »
Bref ! Quelque part, ajouterais-je aujourd’hui, tout poète – tel que je l’entends, ce qui n’engage que moi ! – tout poète est un souteneur verbal.

3)   « Élémentaire, mon cher WattSon ! »
(Sodome et Grammaire, Paris, Gallimard, NRF, 2008, p. 121.)

J’avais déjà utilisé et transformé cette évidence – condescendante ! – chère au Sherlock de Conan Doyle à propos de je ne suis plus trop quoi ni où, etc., mais c’était devenu « Alimentaire, mon cher Watson » ! Oui ! Watson, tel qu’en son orthographe « holmésien » ! Ici, par contre, c’est bien Watt, comme l’unité de mesure du flux énergétique ! Comme s’il s’agissait de s’exclamer, ça y est, lumière, j’ai compris et SON, en majuscules, puisqu’aussi bien, dans ce texte polémique intitulé « Rappeurs camembert et slameurs pompiers, encore un effort pour être poètes » il est question d’une réflexion sur le son et le sens à travailler ensemble, texte où c’est leur tchatche, « débordante, envahissante, et in fine, incontrôlée, non maîtrisée et qui ratisse trop large » que je leur reproche !
À mes oreilles toutefois, quel que soit le contenu de leurs propos, ils ont au moins, loin des pleurnichards anglo-serviles de Star Academy, le mérite de les exprimer en français !

4)   « J’écris donc pour ma préférée, pour l’élue de mon son : la bouche. Pour cette caverne d’Ali-Babèye, comme on dit en wallon. »
(Artaud Rimbur, Paris, Gallimard, NRF, coll. « Poésie », [La Différence, 1990] 2001, p. 23.)

La bouche, en effet, vue comme une grotte primitive, préhistorique avec une résonnance d’aven, de gouffre souterrain, calcareux, « stalacmiteux », une sorte de ce que j’ai nommé par ailleurs ma « glotte » d’Altamira  ou de Lascaux d’où s’échappent mes borborygmes savants et sauvagement organiques à la fois, contrôlés d’une part et brutalement animalisés de l’autre, balbutiés dans une sorte de babil de tour de Babelge. Une caverne d’Ali-Babil et d’Ali-Babeye (à prononcer « babeille ») de bonne langue, bien pendante, me souffle ma langue wallonne, ma langue de fonds patrimonial, d’où j’ai fait naître mon « vernaculairheggen ».

5)   « C’est le mélange qui a de l’importance ! Entre sapience et innocence ! Entre les deux ! Dans une espèce de divine déficience ! »
(Ridiculum vitae, Paris, Gallimard, NRF, coll. « Poésie », [La Différence, 1994] 2001, p. 137.)

C’est toute la question du dosage, d’une certaine « maîtrise » entre l’usage du bas langage populaire et celui du classique « bon élève » voire du châtié « prout ma chère » ! Il faut les mettre en confrontation permanente, qu’ils se tapent dessus, qu’ils s’écarcobalisent comme le souhaitait Michaux dans son « Grand combat » ! Si l’on utilise que l’un des deux, on court à l’échec, à la platitude ras des pâquerettes populistes d’un côté ou à la fatuité précieusement ridicouille, de l’autre. Bref ! Maurice Roche – un de mes auteurs préférés ! – a ironisé à propos des écrivains qui ne jurent que par le subjonctif (imparfait si possible – le nec plus ultra ! –) en modifiant le « Encore eût-il fallu que je la connaisse » par un impitoyable et hilarant « Encore eût-il phallus que je la connasse ». Tout est dit, non ?   

6)  « Que le grand Cric me croque, si jamais ! »
 (Gisella, Monaco, éditions du Rocher, coll. « Anatolia », 2004, p, 83.)

Que le grand cric me croque, si jamais… je mens ! L’expression vient du Capitaine Haddock, mon semblable, mon frère !  

7)   « Les sentences, les maximes et les apophtegmes sont tous à revisiter.
Il faut urger de ce côté. »
(Entre Zut et Zen, Paris, éditions de La Différence, coll. « Littérature », 1999, p. 32.)

Même les devises ont été récemment réévaluées (à la baisse s’entend !) mais blague à part pour ce qui est des adages, sentences péremptoires et surtout les proverbes, les écrivains, Éluard, Cavanna ou Pierre Dac et Alphonse Allais entre autres, pour n’en citer que quelques-uns, ont toujours pris du plaisir à les contrefaire en les transformant pour leur enjoindre d’énoncer des contre-vérités bouffonnes, des absurdités « hénaurmes » qui viennent mettre en doute (et en déroute) la soi-disant sagesse des peuples et nations, et ébranler les fondements de nos assises « culturelles » et la pseudo immuabilité de notre savoir ancestral !

8)  « À l’œil de glace du maître et au vent debout dans les cursives. »
(Entre Zut et Zen, Paris, éditions de La Différence, coll. « Littérature », 1999, p. 92.)

C’est dans l’esprit libertaire de la « Campagne de dérision » orchestrée par Alechinsky, Bury et Folon aux éditions du Daily Bul , ici, à La Louvière, en Belgique que surgissent dans un chapitre de Entre Zut et Zen intitulé « La peinture vient en mangeant » (comme l’appétit, mais on, avait compris) et plus précisément dans un hommage à Alechinsky où il est question « des flics » de la bonne langue et de ceux qui la leur tirent sans vergogne et que le peintre nomme les tireurs de langue ! Parmi ces beaux causeurs, bons matons de l’accent circonflexe, contrôleurs du tréma, diplômés en majusculation (la musculation du grandiloquent en est proche !) on relève le sphinx local muni d’un sphincter buccal en guise de correcteur labial, un paraphe chef, etc. Et donc ce maître – professeur des écoles serait une injure ! – à l’œil glacé qui froidement (le vent debout ne le réchauffant pas !) surveille les dictées avec le secret espoir de faire de nos « chères petites têtes blondes » des bêtes de concours scolaires ! Puisse-t-on lui enfoncer une cédille dans les trous du nez !

À suivre... Ou pas...
Jean-Pierre VERHEGGEN
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